Messagepar ghyslain » 30 Nov 2012, 16:50
Congo et Timnehs,
y a-t-il une différence?
Écrit par Jane Hallander
Traduit par Céline Wandowska
Dans mon travail avec des gris d'Afrique, j'ai entendu maintes fois des opinions sur les différences qui existent entre l'espèce nominale, psittacus erithacus erithacus (Congo) et le plus petit et plus foncé, psittacus erithacus timneh, considéré aussi comme une sous-espèce du premier. Les consultants aviaires, les éleveurs et ceux qui possèdent un oiseau de chaque espèce ont prétendu que le timneh est moins enclin au piquage des plumes ou à la phobie que son plus grand cousin, le Congo.
Jusqu'à récemment, j'ai cru que ces opinions étaient incorrectes même si je vis avec une femelle timneh importée qui pense qu'il n'y a aucune place dans ce monde où elle ne devrait pas aller avec moi et qui n'a peur que de très peu de choses dans la vie. Je me préoccupais peu de la théorie sur les timneh qui disait qu'ils sont calmes. En plus, il y avait très peu de données disponibles sur ceux élevés en captivité.
Le marché du perroquet-compagnon s'est surtout concentré sur le gris à queue rouge plus grand et plus imposant. En plus, en raison d'une plus grande abondance de Congo sauvages dans la nature, ils ont été importés en plus grand nombre pour être placés en reproduction. Donc, étant donné que le nombre de Congo aux USA était supérieur à celui des timnehs, j'avais l'impression que c'était normal qu'il y ait plus de problèmes de comportement enregistrés chez les Congo en raison de leur surnombre.
Cependant, ces dernières années mon opinion sur le sujet a changé. De nos jours, un grand nombre de timneh sont reproduits et il y a un grand intérêt du public pour les timneh comme perroquets/compagnons. Lors d'une convention récente du Pet Bird Report sur les oiseaux comme animaux de compagnie, j'ai noté par exemple, qu'il y a autant de propriétaires de timneh que de Congo qui ont posé des questions. Pourtant, les éleveurs et les consultants aviaires rencontraient toujours moins de problèmes de piquage et de phobies chez les timneh que chez les Congo. Sachant cela, je n'étais malgré tout, pas disposé de croire qu'une sous-espèce pouvait être meilleure qu'une autre. J'ai donc décidé de regarder plus en détails ce qui pourrait être différent dans les environnements naturels respectifs des deux espèces et ce que nous, les humains, devrions faire pour mettre en évidence le plein potentiel de nos gris d'Afrique.
Premier indice
Il n'y a pas de différence génétique dans la personnalité, car piquage et phobies sont rares chez les gris sauvages. J'ai travaillé avec de nombreux individus de chacune des sous-espèces et je les ai trouvés particulièrement stables comme perroquets/compagnons. J'ai vu des gris qui ont été gardés toute leur vie dans des cages minuscules, nourris au grain seulement et pourtant, ils ne se déplumaient pas.Ils n'étaient peut-être pas heureux, mais ils ne démontraient pas de signes d'insécurité ni d'insatisfaction à travers la mutilation de leur plumage. Il me semble que si les gris d'Afrique étaient des perroquets insécures, timides et nerveux de par leur hérédité, nous le verrions immédiatement chez les oiseaux sauvages qui ont subi de grands traumatismes lors de la capture. Mais ce n'est pas le cas. Nous, les consultants aviaires, voyons ces problèmes principalement chez les oiseaux élevés à la main, ce qui pour nous est un indice que quelque chose doit manquer dans le processus de nourrissage à la main ou le sevrage et la socialisation… Et pourtant, pourquoi les Congo et non les timneh?
Vocalisation
La première chose dont j'ai tenu compte est l'âge auquel, dans la nature, les Congo et les timnehs deviennent respectivement des membres indépendants de leur bande. Puisque peu d'information existait concernant les deux espèces à l'état sauvage,j'ai choisi comme critère de comparaison la vocalisation. Les espèces, comme les gris d'Afrique et certains amazones, sont capables d'imiter notre langage humain, ce qui fait de la vocalisation un critère que nous pourrions sérieusement mesurer et utiliser comme barème de la socialisation, voire de l'intégration de l'individu à l'intérieur du groupe.
Je pense donc que, dans la nature, au fur et à mesure que le jeune perroquet vieillit, il devient un membre à part entière dans les activités quotidiennes de la bande, ne dépendant plus des soins de ses parents. Dans cette même période, il commencera à vocaliser de manière à signaler sa présence et maintenir la communication avec son groupe.
Nous savons que les espèces telles que les amazones à nuque jaune et à front bleu mûrissent rapidement, socialement parlant, et deviennent vite indépendantes. Nous voyons peu de phobies et de piquage chez ces espèces.
Nous savons également que ces espèces d'amazones commencent à parler et à agencer des mots en phrases, comme le feraient des oiseaux adultes à l'intérieur d'une bande sauvage, à un très jeune âge, souvent au moment du sevrage. Chez les gris d'Afrique la situation est différente. Le Congo peut parfois dire un ou deux mots à l'âge de six mois, mais ne commence véritablement à démontrer son talent de parleur qu'après le premier et parfois le deuxième anniversaire.
Puisque les Congo sont de la même taille que les amazones, j'attribue cela au fait que les Congo commencent à jouer leur rôle comme membre de la bande plus tard dans leur vie que les amazones, donc après l'âge d'un an. Une enquête sur Internet qui comparait l'habilité de parler et la capacité de faire des phrases des Congo et des timnehs appuie ma conclusion. Évidemment, ce n'était qu'une seule étude impliquant moins de 100 perroquets. Pour cela, elle ne représente qu'une tendance plutôt qu'un fait. C'est pour cette même raison que dans cet article, je n'exprime qu'une théorie bien personnelle, mais qui est aussi et celle d'autres personnes.
Voici donc comment se présentent les résultants de mon enquête sur " l'âge de la parole ".Grâce à mon expérience, je savais déjà quels seraient les résultants mais j'avais besoin de preuves basées sur les expériences des autres.
Donc, les timnehs, en général, commencent à parler et à agencer des mots nouveaux en phrases, approximativement vers l'âge de six mois… un bon six mois plus tôt que les Congo. Si on compare l'âge de la vocalisation, c'est-à-dire l'apprentissage du langage humain chez les amazones, qui a lieu également à six mois, ceci pourrait être un indice que peut-être dans la nature, les Congo ne sont pas prêts à quitter leur parents avant l'âge d'un an tandis que les timnehs rejoignent la bande un bon six mois plus tôt.
Comment faire le lien de tout ça
avec les gris élevés à la main en captivité?
Puisque nous sevrons les deux sous-espèces approximativement au même âge et les envoyons dans leur nouveau foyer (bande) aussi vers le même âge, il fort possible que les Congo ne soient pas prêts de quitter leur famille et sont forcés d'intégrer la "bande" et devenir un membre indépendant, avant d'être prêts et avant qu'ils ne l'auraient fait dans leur habitat naturel. La domestication qui caractérise certains de nos animaux requiert des siècles d'élevage sélectif afin d'enlever les patterns d'instincts sauvages de leur génétique. Nos gris sont toujours des animaux fondamentalement sauvages.
Il est possible que les Congo soient génétiquement programmés pour avoir besoin plus longtemps de maternage et d'instruction de leurs parents avant d'être suffisamment césures pour intégrer leur nouvelle bande humaine.Les timnehs peuvent avoir un environnement juvénile différent à l'état sauvage. Peut-être sont-ils comme des amazones qui apprennent tout ce dont ils ont besoin pour fonctionner comme membre de la bande à la fin du sevrage.
Une première chose que chaque oiseau sauvage doit savoir est qui sont ses prédateurs. Si on suppose qu'ils l'apprennent du comportement quotidien du groupe, un jeune qui a toujours ses parents auprès de lui ne doit probablement pas trop s'inquiéter pour identifier les prédateurs comme les faucons et d'autres, car les parents le font à sa place.
Comme les humains qui ont des courbes d'apprentissage correspondant à leur âge physique, les perroquets pourraient aussi avoir ces courbes d'apprentissage. En d'autres mots, un timneh pourrait, à l'âge de six mois, avoir atteint un niveau d'apprentissage suffisant pour pouvoir décider de lui-même ce qui est ou pas un danger pour sa vie. Pour les oiseaux qui ne sont socialement pas prêts de faire la différence entre un ami et un ennemi à cause de l'âge, n'importe quoi ou n'importe qui pourrait facilement être pris, par erreur, pour un prédateur dans un enchaînement d'évènements négatifs.
Voici un exemple:
Si un jeune gris, qui a ses plumes de vol taillées en plus d'avoir les griffes taillées trop court, tombe de son perchoir, car il est incapable de s'y agripper, que ses ailes ne peuvent pas amortir sa chute, il pourrait facilement devenir insécures. Lorsqu'en plus des chutes, pour ajouter au drame, les humains lui courent après voulant innocemment le réconforter ou l'empêcher de se cacher sous le divan, alors là, il pourrait devenir phobique. Dans sa perception, les humains amicaux faisant partie de sa bande se sont transformés en prédateurs (qui lui courent après) et, comble du drame, il ne peut même pas voler pour leur échapper.
Ces situations ne sont pas les seules causes de phobies chez les gris mais de loin les plus courantes.
Si l'oiseau n'a pas atteint le niveau social où il peut naturellement distinguer les amis des prédateurs, il régressera dans ses instincts génétiquement programmés d'animal sauvage qui lui dictent que quelque chose qui le chasse d'en haut doit être un prédateur. Nous pouvons énoncer cela, car nous savons que les gris dans la nature se nourrissent au sol et sont très vulnérables face à leur prédateur le plus craint, le faucon, qui attaque d'en haut. Les gris ne peuvent échapper à une attaque et donc à la mort que par une extrême vigilance et grâce à l'envol.Imaginez la terreur de ne pas pouvoir s'envoler lorsque les présumés prédateurs (en l'occurrence nous, les humains) essayent de le rattraper d'en haut.
Ma bonne amie, Sam Foster, experte en cacatoès, et qui les a étudiés en Australie, dit que le cacatoès qui ressemble le plus au gris par sa multitude de problèmes, phobie, piquage, etc. est le galah. Un fait intéressant concernant le galah est que c'est le seul cacatoès qui, après sevrage, continue de vivre dans une sorte de pouponnière/école supervisée par des "nannies", oiseaux adultes…
Les galahs sauvages n'ont pas les problèmes rencontrés chez les oiseaux captifs. La théorie de Sam est que nos galahs élevés en captivité ne reçoivent pas ces mois supplémentaires dont ils auraient besoin pour mûrir et devenir ensuite des individus dans la bande.Il est possible, bien que ce soit encore à l'état de théorie, que les gris juvéniles restent aussi dans une pouponnière/école similaire à celle des galahs où ils reçoivent les soins et l'éducation de la part de gris plus vieux et ce, jusqu'à l'âge d'un an. Une autre amie très chère et une autorité en matière de gris d'Afrique, Pamela Clark de Clarks Exotic's, possède elle-même un gris, Rollo, qui fait figure de nannie.
Lorsque les bébés de Pam commencent la phase exploratoire et l'envol, Rollo se charge des bébés leur enseignant comment percher, manger et le reste dont ils ont besoin pour faire partie de la bande. Les oiseaux de Pam n'ont pas ces problèmes de comportements qui caractérisent les gris. Serait-ce parce que Rollo les guide et leur apprend ce quelque chose de plus que nous, les humains, ne pouvons leur apprendre?
Changement du lien oiseau/humain
Il y a une autre différence entre les Congo et les timnehs : le changement du lien affectif. Les Congo ont la réputation de transférer le lien affectif et ce, fréquemment, de celui qui les a nourris, vers un autre humain, le conjoint ou un enfant plus âgé. Ces transferts sont souvent une source d'émotions diverses (tristesse, peine, trahison) pour celui qui l'a élevé et aimé.
Étant donné que je n'ai entendu parler que très peu de ce genre de transferts chez les timnehs, j'ai décide de faire une autre enquête.Je précise encore une fois que cette enquête n'est basée que sur les expériences personnelles vécues par des propriétaires de gris d'Afrique et n'est d'aucune façon une expérience scientifique. Selon mon enquête qui incluait autant de gris Congo que de timnehs, 63% de Congo mâles avaient transféré leur affection de la personne qui les a élevés vers une autre personne de la maison. Ce transfert avait lieu entre l'âge de deux et trois ans.Seulement 16% de femelles Congo avaient transféré leur attachement.
Cette tendance de transférer le lien de partenaire me semble indiquer que si les gris vivent en famille, ils peuvent, lorsque la maturité sexuelle s'installe, choisir de quitter le groupe familial à la recherché d'un compagnon pour former un couple. Ce serait une façon de diversifier le bassin génétique pour assurer la survie de l'espèce. Si c'est le mâle qui fait le choix d'une partenaire, ça expliquerait le fort pourcentage de transfert de liens chez les oiseaux captifs.
Dans notre monde d'humains, la première personne qui nourrit et s'occupe du bébé gris représenterait la figure parentale ou la nannie de la pouponnière/école tandis que les autres, le reste de la bande.
Mais, qu'en est-il de timnehs dans mon enquête? À ma grande surprise, aucun timneh des deux sexes n'a changé de lien affectif. Certains ont même inclus, à différentes périodes de leur vie, un autre humain créant des liens multiples. Je serais tenté de déduire tout naturellement que les timnehs ne passent pas de périodes prolongées dans le groupe/famille ou en pouponnière/école de sorte qu'ils n'ont pas besoin de ce groupe (ou humain) lors de la quête du partenaire.
Conclusion
La conclusion que je retire de ces deux enquêtes est que nous avons besoin d'apprendre beaucoup plus sur la vie des gris dans leur habitat naturel. Il est dommage que les gris n'aient pas été étudiés autant que d'autres perroquets dans la nature. Je garde l'espoir qu'un jour Dre Pepperberg et ses étudiants seront capables de répondre à mes questions.
Toutes mes recherches et spéculations ne me permettent pas de croire qu'une ou l'autre espèce fera un meilleur compagnon humain, car les oiseaux sauvages ont tous la même stabilité dans leur personnalité. Si vous ne pouviez voir les différences physiques, vous penseriez qu'il s'agit du même oiseau. Ce que tout ça nous suggère par contre, c'est que la façon dont ils sont élevés dans la nature doit être bien différente. Notre ignorance de ces différences et le non-respect de cette phase si importante d'éducation dans leur vie nous empêchent de leur donner le genre d'enfance qu'ils auraient eu dans la nature et ainsi ne permettent pas à plusieurs d'entre eux d'atteindre le plein potentiel comme perroquets/compagnons.
Mon espoir demeure qu'un jour les éleveurs seront plus nombreux à expérimenter l'utilisation d'une nannie (de préférence de provenance sauvage) comme modèle qui fera le lien entre l'éducation de jeunes et leur intégration dans le groupe humain.
Le gris Timneh
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