Reproduction : l'asynchronie de l'éclosion des oeufs chez les perroquets
Dans la nature, de nombreuses espèces d'oiseaux repoussent le délai du début de l'incubation jusqu'à ce que le dernier oeuf ait été pondu. Cela a pour effet de permettre aux foetus de se développer et éclore en même temps. Car si les parents commencent à couver avant que tous les oeufs ne soient pondus, l'éclosion de la couvée se trouve étalée dans le temps, elle est asynchrone.
Dans une nichée, l'asynchronie est cependant au rendez-vous en ce qui concerne les naissances, ce qui n'est pas sans conséquence. Vous allez comprendre l'intérêt qu'ont les psittacidés à l'éviter. Lorsque les petits naissent de façon décalée, ils n'ont pas tous la même taille dans le nid, puisque leur âge et le stade de leur développement est différent. Il s'ensuit donc une augmentation du taux de mortalité des plus jeunes, qui sont plus petits et donc moins robustes pour assurer leur place non seulement dans le nid, mais aussi lors de la distribution de la becquée nourricière.
Comprendre les causes de ce mécanisme pourrait conduire à d'autres applications. Si une incubation précoce donne lieu à une éclosion asychrone, considérant les contraintes que cela impose aux parents, il doit y avoir des raisons particulières qui nous échappent. Des expériences dans ce domaine pourraient donc permettre de les identifier. En comprenant le rôle joué par l'initiation du début de l'incubation, il serait sans doute même possible de parvenir à augmenter la productivité d'un groupe au sein d'une espèce.
Les spécialistes ont identifié 17 hypothèses pour expliquer ce phénomène, dont deux suggérant l'impossibilité de s'adapter à une incubation précoce ou au décalage de l’éclosion des oeufs. Ainsi, les parents n'auraient d'autre choix, sur le plan énergétique et hormonal, que d'initier l'incubation après la ponte du dernier oeuf. Quatre autres hypothèses considèrent l'existence d'une fonction adaptative à une incubation précoce. L'asynchronie des naissances serait alors une incidence, et la mortalité des oisillons asynchrones serait le fruit d'un problème d'adaptation. L'incubation précoce pourrait alors être un moyen de protéger les oeufs et les sites de nidification des températures extérieures défavorables, des prédateurs ou des parasites. Mais huit autres hypothèses reposent sur l'idée que le décalage d'éclosion pourrait augmenter l'efficacité parentale pour trouver des aliments disponibles, nourrir les petits, ou réussir à mener à terme l'incubation. Enfin, trois autres théories suggèrent que le timing de l'incubation et du départ du nid répondent aux risques face aux prédateurs durant le cycle de la vie au nid, ou à une forme de stratégie naturelle visant à augmenter l'implication du mâle en allongeant la durée de présence au nid de la femelle.
Concrètement, si l'on parvenait enfin à comprendre les mécanismes régissant l'asynchronie des naissances, il serait possible de lutter plus efficacement contre la disparition de certaines espèces en danger, comme les Aras par exemple, qui délaissent généralement les plus petits oisillons de la nichée pour se concentrer sur les plus gros, plus vigoureux, dont les chances de survie sont plus importantes. Cela pourrait donc contribuer à contrebalancer le problème posé par le trafic d'oiseaux sauvages prélevés dans la nature et la baisse du nombre de sites de nidification.
Source : " Behavioral Approaches to Conservation in the Wild " , Janine R. Clemmons, Richard Buchholz.