Bon nombre d'entre nous éprouvent un malaise indéfinissable en présence d'une araignée. Cette appréhension, souvent mêlée de dégoût peut dans certains cas aller jusqu'à la peur panique. L'exposition intitulée "Au fil des araignées" présentée au Museum d'Histoire Naturelle dans la grande Galerie de l'Evolution, à Paris, se propose de nous faire découvrir cette mal-aimée sous un jour nouveau et de nous libérer de notre répulsion ou de notre peur viscérale à son égard. Même si cette exposition est faite pour tous, les enfants constituent un public privilégié, car leur imagination est très réceptive. C'est eux qu'il faut convaincre pour transformer notre vision de l'araignée.
En guise d'introduction, nous commençons par déambuler dans un dédale de toiles blanches sur lesquelles sont projetées des scènes d'horreur cinématographiques avec des araignées. Ces morceaux choisis, de toutes les époques, concentrent toutes nos peurs intemporelles et fantasmagoriques ; hantise de l'araignée géante qui nous poursuit, nous mord, nous injecte son venin, nous liquéfie de l'intérieur et nous emprisonne dans un cocon pour nous dévorer. Ces peurs doivent rester emprisonnées sur l'écran-toile d'araignée.
A partir de ce constat, l'exposition, très pédagogique, va s'employer à démystifier systématiquement nos peurs injustifiées. Elle nous propose dorénavant de faire une expérience, celle d'envisager et d'appréhender progressivement l'araignée avec tous nos sens, aidés de notre raison.
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A l'entrée et à la sortie, s'offrent à notre vue des araignées stylisées. Une énorme araignée nous accueille, tandis qu'un ballet d'araignées qui montent et descendent de leur toile, suspendues à leur fil, nous dit aurevoir. Les deux modèles stylisés sont faits de fils métalliques entrelacés, rappelant la trame d'une toile d'araignée. Cette structure brillante et claire évoque davantage les baleines de parapluie que les araignées véritables. La stylisation entraîne une prise de distance qui apaise nos craintes primitives et phobiques. Le même effet de distantiation est obtenu en présentant à notre regard des photos d'art, des séquences de film d'animation (où l'araignée est toujours la victime attendrissante) et des croquis exotiques au crayon dessinés par des explorateurs.
Puis on nous présente des modèles grossis d'araignées existantes, aux formes étranges et aux noms sympathiques, en nous précisant bien leur taille réelle. En plastique lisse, ces modèles ne rappellent en rien la consistance d'une araignée véritable et n'inspirent aucune répulsion. Cette fois-ci, nous pouvons non seulement les regarder mais aussi les toucher.Elles ressemblent à de gros jouets que l'on peut palper et caresser.
L'expérience prend une allure franchement ludique lorsque nous devons appuyer sur un bouton pour entendre le cri de l'araignée-loup, et lorsque nous arrivons devant les chélicères ou crochets venimeux mécaniques. C'est une véritable machine qui nous permet d'actionner ces crochets. Cette fois-ci, nous nous mettons à la place de l'araignée qui mord, ce qui écarte tout sentiment de crainte ou de danger, et nous rapproche de notre araignée.
Moment tant attendu mais ô combien préparé, nous voici enfin confrontés (derrière une vitre) aux araignées vivantes. C'est un peu décevant, il y en a peu, la plupart sont petites, moi qui m'attendais à voir une multitude de mygales aux couleurs chatoyantes... Mais la "thérapie" proposée par l'exposition ne doit sans doute laisser aucune place à l'imagination débridée.
Après cela, notre expérience sensorielle se poursuit et prend un tournant nouveau.On nous propose le test de la" pause-caresse". On nous demande à la fois de regarder une tarentule "empaillée" spectaculaire et de mettre la main dans un trou sombre pour caresser le pelage dudit animal. Même en sachant que la tarentule à l'intérieur est fausse, je vois peu de gens mettre leur main dans le trou. Jusqu'à présent, l'exposition a tout fait pour endormir nos peurs irrationnelles. Maintenant, elle nous demande de les surmonter.
La raison prend à présent le relais des sens apaisés pour progresser dans notre relation avec l'araignée. L'esprit devenu clair, nous comprenons aisément que la grosse bête que nous sommes n'a rien à craindre de la petite. Eclairé rationnellement, le rapport de forces s'inverse. Si l'araignée est une prédatrice, elle est aussi une proie. Si nous ne sommes pas une proie pour elle, en revanche, elle en est une pour nous. Car nous pouvons la manger.
Notre expérience se termine donc en apothéose par une invitation à déjeuner et une dégustation. Trois mygales roulées dans du gros sel et de l'ail puis frites,ou alors grillées au barbecue (cela fait tomber les poils), accompagnées d'une salade, constituent un menu très équilibré et très savoureux : craquant à l'extérieur et moelleux à l'intérieur...
Les enfants peuvent dores et déjà remiser leur ours en peluche au grenier, car la boutique de l'exposition présente à la vente, à leur intention, de magnifiques mygales en peluche. Maintenant qu'ils vont pouvoir reposer leur tête sur les pattes velues de leur araignée géante pour s'endormir, je crois que le temps des cauchemars fantasmagoriques est terminé...

Source : Christine