Éduquer les grands perroquets par le conditionnement
Le propriétaire d'un grand perroquet va bien souvent se trouver confronté à un défi de taille celui de l'utilisation incessante du bec de son oiseau pour gruger. Cela sera plus gênant à certains stades de la vie du perroquet. Dans son jeune âge, ce dernier découvre son bec comme moyen de coercition, pour discipliner l'humain. Si rien n'est entrepris par le maître à ce stade, celui-ci peut avoir à faire face à un sérieux problème d'agressivité à la maturité. Pour cette raison, il faut pouvoir comprendre le psittacidé et donner les orientations adéquates à son comportement, avant qu'il ne devienne ingérable. Sans discipline, il va gruger les fils électriques aussi sûrement qu'il le ferait avec un bout de bois, à la différence près qu'il mettra sa vie en danger et pourra causer de gros dégâts.
A ses yeux, tout ce qui se trouve chez vous est un jouet qui peut être étudié et dépiauté. Ne vous attachez donc pas trop à vos objets personnels. Même un bébé qui n'a jamais fait l'objet de mauvais traitement ou de négligence a besoin d'être éduqué. Cela est encore plus vrai dans le cas contraire. Tout un chacun n'est pas apte à supporter des cris puissants qui, de toutes façons, ne pourront être évités. Toutefois, l'éducation permet de décourager ces hurlements, donc de limiter leur fréquence, ce qui est déjà un énorme progrès.
Le problème est qu'il faut attendre qu'un comportement se produise, pour pouvoir le renforcer. Mais si l'on doit prendre son mal en patience jusqu'à ce qu'il se passe ce que l'on attend, il est aussi fort possible que rien ne se produise, ou alors trop rarement pour être encouragé et donner lieu à un apprentissage.
Il existe tout de même une solution. On appelle cela le "renforcement différenciel des approximations successives", autrement dit le conditionnement. Le principe est de rechercher ce qui se rapproche le plus du résultat escompté et de l'encourager. Ainsi vous conduirez l'oiseau à franchir différents niveaux qui se rapprocheront progressivement de l'objectif.
Voici deux exemples de planification de l'apprentissage : le premier concerne les jeux solitaires, le second la baignade. Les renforcements et approximations détaillés pour chacun d'eux n'ont ici qu'une valeur illustrative et devront être adaptés en fonction des préférences et du niveau de chaque perroquet. Le conditionnement ne peut fonctionner qu'avec l'étude d'un seul sujet, comme tous les programmes de modification de comportement.
Plan de conditionnement- Plan 1- jouer avec des jouets
1- Comportement final : jouer seul avec un jouet
2- Comportement le plus proche déjà observé : regarde des jouets
3- Renforcements pour chaque rapprochement répondant au critère défini: graines de carthame et félicitations
4- Approximations indicatives :
* regarde le jouet
* marche vers les jouets
* touche les jouets avec le bec
* prend un jouet avec le bec
* touche le jouet avec la patte
* tient le jouet dans sa patte en le manipulant avec le bec
* répétition de l'approximation précédente sur de plus longues durées
Plan de conditionnement- Plan 2- déclencher une réaction de baignade
1- Comportement final : marcher dans un plat d'eau
2- Comportement initial : regarde le récipient rempli d'eau
3- Renforcements pour chaque rapprochement répondant au critère défini : applaudissements et félicitations
4- Les premiers pas :
* regarde le plat
* se place face au plat
* fait un pas vers le plat
* fait deux pas vers le plat
* regarde l'eau dans le plat
* met un pied en l'air près du plat
* touche l'eau avec un pied
* pose une patte dans le plat
* pose les deux pattes dans le plat
* se promène dans le plat
Comment fonctionne le conditionnement ?
Pour mettre en place de telles procédures, il faut être attentif aux changements subtils qui s'opèrent dans la façon d'agir de l'animal et y apporter un certain type de réponse, dite de "classe opérante".
Par exemple, le sujet lève la patte de façon légèrement différente à chaque fois (patte gauche ou droite, haute ou basse, vite ou lentement, en bougeant ou non les doigts). Souvent, on n'y prête pas attention, et l'on notera cela uniquement avec les mots "lève une patte". Mais ce changement presque imperceptible est justement ce qui permet de rapprocher l'oiseau du critère défini (patte levée rapidement en haut avec doigts ouverts puis refermés).
Le conditionnement commence par le renforcement de la première approximation à chaque fois que cela est possible, jusqu'à obtenir un résultat immédiat, sans hésitation.
Ensuite, une affirmation plus proche de l'objectif est renforcée.
Une fois la seconde approximation accomplie sans hésitation, une autre plus proche encore est encouragée en maintenant le renforcement des précédentes.
De la sorte, vous faites progressivement passer votre élève d'un niveau à un autre, le rapprochant graduellement du "comportement cible" de l'exercice.
Enfin, chaque étape est renforcée jusqu'à atteindre l'objectif.
Si l'animal bute sur l'un des critères (l'une des étapes), il faudra reprendre en arrière, au dernier qu'il a réussi, à partir duquel des approximations moins audacieuses (c'est à dire plus proches les unes des autres) seront entreprises. Dès qu'une approximation est un succès sans hésitation, l'étape suivante peut commencer. En fait, c'est du psittacidé que dépendra l'ordre et la cadence du "plan de conditionnement". C'est à ce moment là que la sensibilité et l'expérience du maître sont requises, pour observer les nuances dans le comportement de l'élève.
Ajout d'un repère
Dans les exemples d'apprentissages évoqués plus haut, les jouets et le plat d'eau sont les antécédents permettant d'établir une opportunité de mettre en avant un comportement souhaité. Pour générer un autre, le maître peut ajouter un repère (que l'on nomme aussi stimulus discriminatoire, ou SD), pour marquer ce moment.
Pour ajouter ce signal, il faut commencer par le positionner au moment où le comportement est en cours puis, peu à peu, de plus en plus tôt, jusqu'à ce que le repère soit donné avant même que l'action ne se produise.
Ensuite, il suffira de renforcer uniquement les moments "repérés", tout en ignorant les autres.
La relation pourra par ce biais s'établir entre le repère et le comportement. On parle alors de "contrôle du stimulus".
Source: Dr S.G. Friedman (Utah, États-Unis))