La beauté animale dans les cabinets de curiosités
Posté : 07 Sep 2012, 17:03
La beauté animale dans les cabinets de curiosités
Au seizième siècle, l'Europe est balayée par un souffle de renouveau apporté par les explorations du Nouveau Monde et les grandes découvertes. De ces expéditions lointaines, on ramène à foison des spécimens d'animaux exotiques, inconnus en Europe jusqu'alors. La découverte de ces espèces aux aspects étranges suscite la fascination et un désir enthousiaste de les observer, les étudier et de se les approprier. C'est donc pendant la Renaissance qu'apparaissent, aux côtés des ménageries privées, les premiers cabinets de curiosités, originellement appelés en allemand "cabinets des merveilles" (Wunderkammern), ces pièces particulières dans lesquelles on rassemble et on expose, à côté du règne minéral et du règne végétal, des éléments du règne animal considérés comme dignes d'admiration.
Ancêtres des museum d'histoire naturelle, ces cabinets de curiosités sont l'apanage des mécènes et des princes, les plus célèbres étant celui de Rodolphe II de Habsbourg à Prague, et celui d'Honoré d'Urfé. Dans une pièce unique, on nourrit l'ambition de collectionner un échantillonnage de toute la diversité des espèces du monde animal, en privilégiant les bizarreries, l'insolite ou le biscornu. Il s'agit de morceaux d'os, de dents, de spécimens conservés dans l'alcool, d'insectes et de poissons séchés, d'oiseaux et de mammifères empaillés. Tout ce petit monde est soigneusement étiqueté et répertorié. A l'image du cosmos antique, le microcosme que représente le cabinet de curiosités est un univers clos sur lui-même où l'harmonie qui y règne est synonyme à la fois d'ordre et de fantaisie. Univers éclectique, les specimen naturels côtoient les représentations picturales, les animaux réels cohabitent avec des animaux imaginaires ou fabriqués de toutes pièces, l'art et le fabuleux trouvent leur place aux côtés de l'histoire naturelle. L'apparente rigueur scientifique de ce prodigieux répertoire est démentie par l'accumulation et le foisonnement d'éléments hétéroclites dont regorge cette caverne d'Ali-Baba.
L'engouement pour ces cabinets aux merveilles s'éteint au dix-huitième siècle. L'enthousiaste fantaisie de la Renaissance ne s'accorde plus avec la détermination rationnelle de l'esprit des Lumières. Par ailleurs, ces merveilleux témoins d'une époque passionnée nous incitent cependant à les considérer avec du recul. Pendant la Renaissance, les animaux naturalisés, les peintures et les dessins zoologiques renfermés dans ces cabinets pouvaient avoir une valeur de conservation des espèces, qui n'a plus rien à voir avec notre conception de la préservation des espèces. La vie des animaux importait moins que leur valeur en tant qu'objet de collection. C'est ainsi que les oiseaux exotiques en particulier, extrêmement prisés, ont été pourchassés dans le seul but de rentrer dans le cabinet de curiosités...Cette fièvre acharnée a conduit à l'extinction du fameux dodo.
Même s'ils ne renvoient que l'illusion de la vie, ces cabinets de curiosités reflètent en revanche l'émerveillement ressenti devant la multiplicité des espèces animales. De plus, ils ont été une grande source d'inspiration pour les artistes, qui n'avaient pas accès à des modèles aussi variés, exotiques et insolites jusqu'alors.
L'esprit qui habitait ces cabinets continue de hanter certains artistes contemporains tels que l'Américain Mark Dion. Ce dernier a choisi le cabinet de curiosités comme substrat de son oeuvre, en poussant la logique d'acccumulation et d'entassement d'objets disparates jusqu'à l'extrême.
Sources :
Beauté animale, Beaux-Arts éditions
Exposition au Grand Palais, beauté animale, n°194 dossier de l'art
Au seizième siècle, l'Europe est balayée par un souffle de renouveau apporté par les explorations du Nouveau Monde et les grandes découvertes. De ces expéditions lointaines, on ramène à foison des spécimens d'animaux exotiques, inconnus en Europe jusqu'alors. La découverte de ces espèces aux aspects étranges suscite la fascination et un désir enthousiaste de les observer, les étudier et de se les approprier. C'est donc pendant la Renaissance qu'apparaissent, aux côtés des ménageries privées, les premiers cabinets de curiosités, originellement appelés en allemand "cabinets des merveilles" (Wunderkammern), ces pièces particulières dans lesquelles on rassemble et on expose, à côté du règne minéral et du règne végétal, des éléments du règne animal considérés comme dignes d'admiration.
Ancêtres des museum d'histoire naturelle, ces cabinets de curiosités sont l'apanage des mécènes et des princes, les plus célèbres étant celui de Rodolphe II de Habsbourg à Prague, et celui d'Honoré d'Urfé. Dans une pièce unique, on nourrit l'ambition de collectionner un échantillonnage de toute la diversité des espèces du monde animal, en privilégiant les bizarreries, l'insolite ou le biscornu. Il s'agit de morceaux d'os, de dents, de spécimens conservés dans l'alcool, d'insectes et de poissons séchés, d'oiseaux et de mammifères empaillés. Tout ce petit monde est soigneusement étiqueté et répertorié. A l'image du cosmos antique, le microcosme que représente le cabinet de curiosités est un univers clos sur lui-même où l'harmonie qui y règne est synonyme à la fois d'ordre et de fantaisie. Univers éclectique, les specimen naturels côtoient les représentations picturales, les animaux réels cohabitent avec des animaux imaginaires ou fabriqués de toutes pièces, l'art et le fabuleux trouvent leur place aux côtés de l'histoire naturelle. L'apparente rigueur scientifique de ce prodigieux répertoire est démentie par l'accumulation et le foisonnement d'éléments hétéroclites dont regorge cette caverne d'Ali-Baba.
L'engouement pour ces cabinets aux merveilles s'éteint au dix-huitième siècle. L'enthousiaste fantaisie de la Renaissance ne s'accorde plus avec la détermination rationnelle de l'esprit des Lumières. Par ailleurs, ces merveilleux témoins d'une époque passionnée nous incitent cependant à les considérer avec du recul. Pendant la Renaissance, les animaux naturalisés, les peintures et les dessins zoologiques renfermés dans ces cabinets pouvaient avoir une valeur de conservation des espèces, qui n'a plus rien à voir avec notre conception de la préservation des espèces. La vie des animaux importait moins que leur valeur en tant qu'objet de collection. C'est ainsi que les oiseaux exotiques en particulier, extrêmement prisés, ont été pourchassés dans le seul but de rentrer dans le cabinet de curiosités...Cette fièvre acharnée a conduit à l'extinction du fameux dodo.
Même s'ils ne renvoient que l'illusion de la vie, ces cabinets de curiosités reflètent en revanche l'émerveillement ressenti devant la multiplicité des espèces animales. De plus, ils ont été une grande source d'inspiration pour les artistes, qui n'avaient pas accès à des modèles aussi variés, exotiques et insolites jusqu'alors.
L'esprit qui habitait ces cabinets continue de hanter certains artistes contemporains tels que l'Américain Mark Dion. Ce dernier a choisi le cabinet de curiosités comme substrat de son oeuvre, en poussant la logique d'acccumulation et d'entassement d'objets disparates jusqu'à l'extrême.
Sources :
Beauté animale, Beaux-Arts éditions
Exposition au Grand Palais, beauté animale, n°194 dossier de l'art
