"Beauté animale", promenade au milieu des chats
Aussi surprenant que cela puisse paraître de nos jours, pendant des siècles en Europe, le chat n'a pas été considéré comme un bel animal, ni même considéré tout court. Même si le chat rendait des services en éliminant les rongeurs qui infestaient les récoltes entreposées dans les greniers ou vivaient dans les maisons, il n'était pas considéré comme un animal de compagnie et l'homme ne lui accordait pas d'estime particulière, à la différence du chien. Il faut dire que pendant tout le Moyen-Age, les moeurs nocturnes et l'indépendance du chat ont été interprétées comme la manifestation sournoise du Malin. Pourchassé sans pitié, il a fini bien souvent sur le bûcher en compagnie de la sorcière dont il était le "complice".
Il faut attendre la Renaissance, avec son appétit de découvertes et son regain d'intérêt envers la nature, pour redécouvrir le chat. Mais l'association du félin avec le Malin perdurera encore quelques temps, et il faudra attendre le dix-huitième siècle pour que le chat retrouve ses lettres de noblesse et inspire sans tabou les artistes.
Voici quelques chats présents dans l'exposition "Beauté animale", qui répondent de manières diverses et variées de l'enthousiasme et de la fascination des artistes.
Dans cette étude, l'accumulation d'esquisses nous fait ressentir le plaisir du savant et artiste à dessiner le félin dans toutes les attitudes naturelles possibles : le repos,le jeu, la toilette, le guet, le poil plaqué, le poil hérissé...Le chat n'incarne ici ni dieu ni diable, il est apprécié pour ce qu'il est naturellement.
Le chat représenté n'a rien de commun avec le vulgaire chasseur de souris. Rapporté d'un voyage lointain, cette race est synonyme de luxe et de raffinement. L'artiste s'attache à mettre en valeur l'exotisme de l'animal de compagnie et l'élégance de son pelage.
Francisco de Goya semble, lui, fasciné par la part sauvage du chat. Les yeux exorbités semblables à du feu, la couleur du pelage et son aspect hérissé, suggèrent des fauves plutôt que des animaux familiers, et soulignent la part indomptable du chat, l'instinct, qui peut se réveiller à tout moment.
En peignant ce chat tout droit sorti de son univers intérieur, l'artiste exprime sa fascination pour le caractère indépendant de l'animal. La hauteur démesurée des pattes, l'étirement vers le haut de la sillhouette tout entière, les yeux mi-clos et la queue ondulante témoignent de la distance et du dédain superbe dont le félin fait preuve envers celui qui le regarde.
Le chat de Giacometti est un chat philosophique. Depouillé de sa consistance charnelle, de l'épaisseur soyeuse de son pelage et de toute expression, il est réduit à une sorte de colonne vertébrale qui s'étire vers l'avant. L'artiste s'efforce d'atteindre, sous les apparences, l'essence du chat.
Comme vous le voyez, il y en a pour tous les goûts. Mais ces oeuvres ont toutes un point commun ; elles témoignent toutes du désir de l'artiste de s'approprier le chat comme un être singulier. Aucun sous-entendu symbolique (incarnation d'un vice ou d'une vertu, par exemple) et l'homme est absent : le chat n'est pas ici un faire-valoir. Ces oeuvres sont le fruit du plaisir que l'artiste a éprouvé en observant le chat et nous restituent le vivant dans toute sa noblesse.
Source : Christine